Gouvernement Macron : vers la fin progressive et programmée de la République sociale

Par leurs tergiversations, leurs petites déclarations explosives, les ministres marcheurs sondent l’opinion publique. Prochain projet en construction : le financement des aides pour les plus riches en réduisant celles des plus pauvres.

Après la destruction du code du travail qui protégeait le salarié, les privatisations annoncées, la nouvelle bombe politique est tombée. En effet, la direction du Budget  a laissé fuiter (volontairement ?) un document, préparant la fin de certaines aides destinées aux étudiants précaires, aux personnes âgées en difficulté ou aux handicapés (APL, BCS, APA, AAH). Comme lors des précédentes réformes explosives, les ministres regardent, titillent, analysent la réaction du peuple. Interrogés sur le sujet, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire ou le ministre du Budget, Gérald Darmanin se contredisent, annoncent la couleur ou pondèrent la note de la direction du Budget. Toutefois, il en ressort une chose. Gérald Darmanin a éclairci sa pensée sur RTL le 29 mai : « Il y a trop d’aides sociales en France ». Les aides sociales seraient des « trappes à inactivité », « pas assez incitatives ». Si on lit entre les lignes ou si on l’écoute avec un peu de finesse, à croire Gérald Darmanin, il est certain que la personne handicapée rêve de son AAH (allocation aux adultes handicapés), et de « jouer » de sa situation d’handicap, pour profiter du « système ». Dans le même temps, tellement macronien, Gérald Darmanin précise « qu’il ne faut pas toucher aux prestations sociales individualisée ». La manœuvre est subtile et, à demi–mot, il juge d’ailleurs que l’APL, par exemple, n’est pas une prestation sociale individualisée. Le ver est dans le fruit. Comme la réforme ferroviaire prévoit le changement de statut de la SNCF pour aboutir in fine à une privatisation certaine, la réduction progressive des APL ou de l’AAH viseront bien, in fine, à la suppression croissante de toute aide. Pour les APL, le processus a d’ailleurs débuté en novembre 2017.

Car oui, les aides sociales contribuent avant tout à réduire les inégalités. La République française a créé un modèle, certes perfectible, qui évite de tendre vers des sociétés anglo-saxonnes où les écarts entre riches et pauvres – la fracture sociale – s’accroissent, au profit des plus hautes fortunes. Les inégalités sont effectivement une aubaine pour les hautes fortunes qui continuent à s’enrichir grâce à la précarisation de l’emploi, les niches fiscales, les faveurs de leur imposition, la spéculation financière, etc.

Après les nouveaux cadeaux accordés aux plus riches, coûtant près de 10 milliards d’euros (la transformation de l’impôt sur la fortune (ISF), le plafonnement de l’imposition sur le capital, la suppression de « l’exit tax », etc.), le gouvernement devait trouver un moyen pour compenser. Rien de plus simple que de s’attaquer aux plus faibles : cette fois-ci, les bénéficiaires d’aides sociales. L’avouant presque frontalement, lors d’un documentaire à son honneur diffusé en mai 2018, Emmanuel Macron n’a que peu de considération pour les Français touchant des aides sociales.

 

Les députés de La République en marche ont une capacité inquiétante à être des godillots

Bref, nous sommes dans une période où la crise des syndicats et où le matraquage médiatique contre le système social français font que toute politique, tendant vers la domination d’une classe sur les autres, passe assez facilement dans les rangs de l’Assemblée nationale, largement acquise à la cause d’Emmanuel Macron et des néolibéraux. La caricature du député godillot pourrait d’ailleurs être celle du médiatique Bruno Bonnell, qui en a fait sa fierté d’être considéré comme tel.

 

« Demain, les députés marcheurs devront rendre des comptes »

Malheureusement, les députés de La République en marche (LREM) ont une capacité inquiétante à valider le délitement de la République sociale. Demain, les députés marcheurs devront donc rendre des comptes devant la nation. A moins que cette majorité de cadres supérieurs ou ultra-supérieurs, après avoir fait leur besogne politique, ne se réfugient dans la carrière lucrative du privé.

A vouloir prendre pour modèle l’Allemagne ou les pays anglo-saxons, avec leurs « minijobs » à 1 euro de l’heure ou leurs « contrats à zéro heure », les néolibéraux, dont font partie les centristes LREM, souhaitent détruire toute la construction républicaine. Le but est évidemment d’aboutir à une société de classe avec le développement d' »une nouvelle aristocratie bourgeoise », une oligarchie financière faite d’héritiers, de rentiers, de grands actionnaires. Pour asseoir sa domination, cette nouvelle aristocratie doit assommer économiquement les classes inférieures en brisant le garde-fou de l’Etat-providence sur le marché financier et économique. L’Union européenne est, en ce sens, le bras armé de ce marché, visant à réduire les capacités politiques des Etats.

Par ailleurs, cette nouvelle aristocratie doit assommer intellectuellement le peuple pour éviter toute contestation du système, en provoquant un entrisme philosophique et lexical dans la sphère médiatique. A l’image d’Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle, ces politiques néolibéraux, généralement d’une grande proximité avec cette nouvelle aristocratie, développent un vocabulaire bien choisi pour duper le peuple, relayé par bon nombre d’éditorialistes : Les notions de progrès, de modernisme ou de lutte contre le passéisme (qui caractériserait toute société qui ne se fond pas dans la domination du marché) sont ainsi les cadres de leurs discours. Aux citoyens que nous sommes de ne pas être dupes…

 Maître Jonas